La catharsis
L’article WikiPédia propose une citation de Jean-Michel Vives : « L’adjectif Katharos associe la propreté matérielle, celle du corps et la pureté de l’âme morale ou religieuse. La Katharsis est l’action correspondant à « nettoyer, purifier, purger ». Il a d’abord le sens religieux de « purification », et renvoie en particulier au rituel d’expulsion pratiqué à Athènes la veille des Thargélies. (…) La Katharsis lie la purification à la séparation et à la purge, tant dans le domaine religieux, politique que médical2. »
La thérapie comme surgissement
Purger. Pas facile de raconter dans un salon où l’on cause que le moment thérapeutique ressemble au nettoyage de l’intestin.
Alors il se raconte quantité de choses « à la place ».
Mais ici nous ne sommes pas dans un salon où l’on cause.
Le moment thérapeutique c’est un surgissement.
C’est un cri, c’est des pleurs, c’est des imprécations, ça sort par en haut et par en bas.
Ce peut être aussi un surgissement de sens, un euréka, un « ha ha ! ».
Ce peut être le surgissement d’un éclat de rire, d’un applaudissement.
Dans tous les cas ça surgit, ça sort.
Bien sûr, entre deux surgissements, il y a le décours de la thérapie, décours avec discours, décours avec silence, etc.
Le contraire de la thérapie
Si la thérapie c’est quand ça sort, le contraire c’est quand ça entre.
Tout type de prêche – de curé, de moine bouddhiste, de prédicateur évangéliste, de thérapeute qui n’a pas compris ce qu’est son métier – tout type de prêche est le contraire de la thérapie.
Si le prêche est moralisant, s’il dit comment on doit penser et se relier au monde alors le prêche est anti-thérapeutique.
L’expression « ça me gonfle » rend bien compte de l’effet du prêche moralisant.
La diarrhée verbale est anti thérapeutique
Est thérapeutique ce qui surgit d’un coup, sans qu’on s’y attende, dans le contexte de la thérapie.
Raconter les malheurs de son enfance chez son coiffeur est anti-thérapeutique.
Pour que ça sorte au moment de la thérapie, il faut qu’il y ait une certaine pression.
Si l’on baisse la pression avec de la diarrhée verbale, la thérapie ne peut pas avoir lieu.
Quelle soupape ?
Si la pression est trop grande entre deux séances de thérapie comment faire ?
L’idéal est de prendre un rendez-vous anticipé avec son thérapeute.
Quand ce n’est pas possible, il faut ouvrir la soupape ET garder une trace : écrire, dessiner, peindre, chanter en enregistrant ce que l’on chante, etc.
Inverser le truc ; peur de l’effondrement
Prendre la vie pour un espace et un temps thérapeutique.
Prendre la thérapie pour un salon où l’on cause.
Winnicott : « Le patient a peur d’un effondrement qui a déjà eu lieu. »
Le patient fait tout pour éviter la purge dans le temps thérapeutique parce qu’il a peur que cette purge soit un temps d’horreur. Mais cette horreur il l’a déjà vécue dans son enfance. Dans la séance de thérapie il n’est plus un petit enfant impuissant.
Le patient a peur que l’horreur ait lieu dans le processus thérapeutique alors il n’entre pas vraiment dans ce processus.
Pour se donner bonne figure, il raconte des traumatismes d’enfance à des amis qui ne connaissent pas le processus de la thérapie.
Les amis qui connaissent le processus de la thérapie lui coupent la parole : « Mon coeur, c’est en thérapie que tu dois parler de ça, pas entre la poire et le fromage ! »
Se faire virer par son psychanalyste
Si ! Si ! On peut y arriver !
Il suffit de procéder à l’inversion décrite ci-avant.
On fait avec le psychanalyste comme on ferait dans la vie : éviter le vrai sujet, subvertir le discours, engueuler l’autre, lui poser des lapins, etc.
Et bien sûr, comme on a vraiment un gros paquet à poser, on essaie de faire jouer le rôle de psy à tel ami ou amie.
Homogénéité du lexique
Dans le quotidien énervé on dit « ça me fait chier ».
En plus soutenu, on parle de la « purge de la catharsis ».
« J’en ai plein le dos ! J’en ai plein le cul ! »
Il faut que ça sorte : ça s’appelle une thérapie.
Et puis on va dans un endroit où il y en a un qui explique le monde. Réaction : « ça me gonfle ! ça me gave ! »
C’est qu’on s’est trompé d’adresse, on est chez un prédicateur qui en « rajoute une louche » alors que l’on a besoin de « faire le vide ».
Pour faire le vide, on fait de la méditation ou du yoga : nouvelle erreur d’adresse.
La bonne adresse c’est où ça peut se dégueuler.
Pour ne plus dire « J’ai la gerbe ! »
.
.
.
Image : Yves Tanguy Certitude